Le G7 peut-il être une force du bien dans la crise actuelle de la sécurité alimentaire mondiale ?

Le Groupe des sept nations riches (G7), actuellement dirigé par la présidence allemande, a mis l'accent sur la crise mondiale de l'insécurité alimentaire et de la nutrition déclenchée par la guerre en Ukraine, les conséquences les plus graves touchant les populations vulnérables des pays à revenu faible et intermédiaire (PRFM). Les deux réunions du G7 de mai ont donné lieu à quatre communiqués distincts, chacun d'entre eux comptant des dizaines de pages (le communiqué des ministres du développement comptait à lui seul 23 pages !) et une Alliance mondiale pour la sécurité alimentaire, dirigée par le G7, a été annoncée. Les réunions du G7 ont coïncidé avec les efforts sérieux déployés sur le même front par les Nations unies, qui ont mis en place un groupe de réponse à la crise mondiale et convoqué une réunion du Conseil de sécurité des Nations unies sur l'insécurité alimentaire et les conflits.

L'effort du G7 peut contribuer à garantir une réponse proportionnée à ce qui s'avère être la pire crise alimentaire mondiale depuis des décennies et, ce faisant, contribuer à élever le G7 lui-même, dont la pertinence en tant que groupe exclusif de pays riches et d'élite a été remise en question. Toutefois, pour que cette promesse se concrétise, les engagements du G7 doivent s'accompagner d'actions, en particulier de financements.

En 2015, le G7 s'est engagé à " sortir 500 millions de personnes des pays en développement de la faim et de la malnutrition d'ici 2030. " La figure 1 montre l'évolution de l'aide publique au développement (APD) des pays du G7 et des pays non membres du G7 aux PRFM dans les périodes juste avant et après la prise de l'engagement d'Elmau en 2015. Si l'aide alimentaire d'urgence a augmenté, les dépenses globales nécessaires pour atteindre l'objectif à long terme consistant à libérer 500 millions de personnes de la faim et de la malnutrition ont stagné à une moyenne de 12 milliards de dollars par an, la contribution du G7 stagnant à 7,5 milliards de dollars par an. Ainsi, même avant la crise actuelle, le G7 n'a pas réussi à dégager des ressources supplémentaires pour réaliser l'engagement d'Elmau.

Figure 1

Par David Laborde et Carin Smaller, 9 septembre 2022

Qu'est-ce qui a changé ?

Dans leur communiqué du 14 mai, les ministres des affaires étrangères du G7 ont fait de la sécurité alimentaire mondiale, en particulier pour les plus vulnérables, un objectif majeur de leur politique étrangère, tandis que les ministres de l'agriculture du G7 ont envoyé des messages forts sur tous les aspects de l'agriculture et de la sécurité alimentaire mondiales, offrant un soutien financier et technique concret au système d'information sur les marchés agricoles(AMIS) du G20, qui peut contribuer à créer la transparence sur les marchés de l'alimentation, de l'agriculture et des engrais, limitant ainsi de nouvelles perturbations et décourageant les pays individuels de prendre des mesures unilatérales, comme des interdictions d'exportation, qui exacerberaient la faim dans le monde. 

Le communiqué des ministres du développement du G7 va un peu plus loin, en fournissant plus de détails et d'ambition. Les ministres se sont engagés simultanément à apporter une réponse immédiate solide à la crise et à mettre en œuvre une stratégie à long terme, étayée par des preuves scientifiques, afin de soutenir la réalisation des objectifs de développement durable d'ici à 2030 et de renforcer la résilience face à de nouveaux chocs. L'annonce de l'Alliance mondiale pour la sécurité alimentaire, qui travaillera en étroite collaboration avec d'autres acteurs pour répondre à la crise de la faim dans le monde, notamment par le biais du Programme mondial pour l'agriculture et la sécurité alimentaire(GAFSP) et du Fonds international de développement agricole(FIDA), devrait permettre de mobiliser 12 milliards de dollars pour répondre à la crise. Le communiqué reconnaît également de manière importante d'autres initiatives, notamment le groupe de réponse à la crise mondiale des Nations unies, la mission de résilience de l'alimentation et de l'agriculture( initiativeFARM ) dirigée par la France, et le dialogue ministériel méditerranéen sur la crise de la sécurité alimentaire dirigé par l'Italie.

Le communiqué réaffirme l'engagement du G7 à consacrer 0,7 % de leur revenu national brut (RNB) à l'APD et à inverser la tendance à la baisse de l'APD en faveur des pays les moins avancés. Il s'agit d'une mesure particulièrement importante pour mobiliser l'APD supplémentaire nécessaire et pour faire pression sur des pays comme le Royaume-Uni, qui a récemment tenté de revenir sur cet engagement et dont le niveau d'aide a chuté de 51 % l'année dernière. Cela place également les pays du G7 comme les États-Unis et le Japon sous les feux de la rampe, puisqu'ils n'avaient pas encore officiellement fixé le chiffre de 0,7 % comme objectif de politique nationale.

L'engagement "de renforcer, et non de compromettre, la résilience et la durabilité à long terme des systèmes agricoles et alimentaires" renforce la nécessité d'aller au-delà de la crise et de la réponse d'urgence. Une telle vision à long terme, face à la pire crise alimentaire depuis des décennies, témoigne d'une compréhension des liens entre un système alimentaire fragile et sa vulnérabilité aux chocs, non seulement aujourd'hui mais aussi à l'avenir.

Le soutien du G7 à la Coalition Faim Zéro, une alliance à long terme visant à éliminer la faim de manière nutritive et durable d'ici 2030, est une autre reconnaissance importante de la nécessité de fonder l'action sur la science, et s'appuie sur les résultats du Sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires de 2021, y compris la reconnaissance des engagements pris par les entreprises dans le cadre de la promesse du secteur privé Faim Zéro, qui s'élève maintenant à 458 millions de dollars en promesses de 43 entreprises dans 48 pays.

Il est crucial que le reste du G7 suive enfin l'exemple du Canada en soutenant une politique de développement féministe afin que toutes les actions de développement "visent de plus en plus l'équité et l'égalité des genres et des identités sexuelles". Il s'agit d'un changement de politique essentiel pour éviter la négligence généralisée des femmes dans le développement agricole et pour atteindre l'égalité des sexes et l'autonomisation des femmes.

Ces priorités déclarées sont des engagements ambitieux qui peuvent faire une réelle différence. Pourtant, le G7 n'a pas encore pris d'engagements suffisants en matière d'APD pour réaliser le programme à long terme. Sans ces ressources supplémentaires, ces priorités resteront des promesses creuses.

Comment transformer les engagements en actions ?

Dans leur communiqué de mai, les ministres du développement du G7 réaffirment l'objectif d'Elmau pour 2015 et ajoutent que sa réalisation sera " fondée sur l'identification scientifique des besoins de financement et des interventions et approches les plus efficaces pour atteindre cet objectif de manière durable " - une référence à une série d'études scientifiques réalisées par Ceres2030, ZEF et la FAO. Ces études ont montré que les donateurs doivent doubler leurs contributions actuelles d'APD à l'agriculture et à la sécurité alimentaire pour atteindre l'objectif (figure 2).

Figure 2

Plus précisément, ce qu'il faut, c'est mobiliser 14 milliards de dollars supplémentaires d'APD pour l'agriculture et la sécurité alimentaire par an jusqu'en 2030, et dépenser cet argent plus efficacement dans 10 domaines d'investissement à fort impact (voir Ceres2030).

Les ministres du développement du G7 doivent être félicités pour l'engagement fort et l'ambition affichés dans leur communiqué. Mais le véritable test pour le G7 sera de savoir si ces ambitions sont assorties des ressources nécessaires à leur réalisation.

Figure 3

Lors des réunions de mai, les ministres des finances du G7 se sont engagés à verser 20 milliards de dollars supplémentaires en 2022 pour aider l'Ukraine à lutter contre l'invasion russe. Ce soutien est essentiel pour aider le peuple ukrainien. Les États-Unis ont approuvé leur propre aide de 40 milliards de dollars à l'Ukraine. Bien que l'ensemble de l'aide soit écrasant par sa taille et son ambition, environ 2 % de celle-ci est destinée à l'agriculture et à la sécurité alimentaire à plus long terme, soit au niveau bilatéral via le Fonds de soutien économique, soit via le fonds multidonateurs GAFSP (figure 3). À moins que le G7 ne s'engage également à fournir des ressources à ceux qui luttent contre la faim dans le monde, la guerre contre la faim ne pourra jamais être gagnée.

David Laborde est chercheur principal à la division Marchés, commerce et institutions de l'IFPRI ; Carin Smaller est l'ancienne directrice de l'agriculture, du commerce et de l'investissement à l'Institut international du développement durable (IIDD). Les opinions exprimées sont celles des auteurs.

Cet article a été publié pour la première fois sur le blog de l'Institut international de recherche sur les politiques alimentaires (IFPRI) et est reproduit ci-dessous avec l'autorisation de l'auteur.