L'éradication de la faim est possible, et nous nous y employons.
Les problèmes d'aujourd'hui proviennent des solutions d'hier. Peter M Senge, La Cinquième Discipline
Par Carin Smaller, Oshani Perera et Francine Picard, octobre 2022
Notre vision est celle d'un avenir dans lequel notre alimentation est plus diversifiée, plus nutritive et plus abordable, où notre planète est restaurée et où les petites entreprises ont une chance de prospérer et de survivre.
La crise de la faim qui sévit actuellement dans le monde est la quatrième depuis 2008. Aujourd'hui, 829 millions de personnes se couchent encore chaque soir le ventre vide, alors que le monde produit suffisamment de nourriture pour nourrir tout le monde. Parmi les problèmes, citons la concentration du marché, la distribution et le fait que nous consommons les mêmes aliments de base partout dans le monde. En outre, les petits producteurs de denrées alimentaires, qui représentent une grande partie de l'approvisionnement alimentaire mondial, restent pauvres, endettés et privés de pouvoir.
Nous avons créé le Centre Shamba pour l'alimentation et le climat afin de modifier ces caractéristiques déterminantes du système alimentaire et agricole et d'aider à faire face aux menaces existentielles que constituent le changement climatique, la perte de biodiversité, les perturbations du cycle hydrologique et la dégradation des sols. Nous ne pouvons pas nourrir le monde si nous détruisons notre planète.
Guidés par la pensée systémique qui intègre les connaissances de nombreuses disciplines, nous travaillerons avec les parties prenantes qui ont du pouvoir : les politiciens, les responsables politiques, les chefs d'entreprise, les innovateurs et les détenteurs de capitaux pour plaider en faveur de réformes qui supprimeront les obstacles aux systèmes alimentaires durables. Parfois, nous interviendrons au point de moindre résistance. En d'autres occasions, nous ferons des pieds et des mains pour apprendre, faire des recherches, débattre et nous pousser à identifier les inventions les plus difficiles mais les plus efficaces qui auront des répercussions significatives.
Nous nous engagerons particulièrement auprès des gouvernements car nous croyons au pouvoir de la volonté politique. La façon dont les gouvernements ont réagi à la pandémie de COVID-19 en est un bon exemple. Ils ont dépensé des sommes considérables pour les soins de santé et les vaccinations, ont soutenu les entreprises pour maintenir les emplois, et ont demandé aux citoyens de travailler, d'apprendre et de jouer à la maison, de se couvrir le visage, de cesser de voyager et de se réunir. La plupart d'entre nous ont obéi : nous avons fait passer l'intérêt public avant la liberté individuelle. L'éradication de la faim et la réalisation des objectifs de développement durable nécessiteront des changements beaucoup moins radicaux de nos perceptions, de nos priorités et de nos modes de vie. Avec un leadership politique, nous pouvons y arriver.
" Guidés par une pensée systémique qui intègre les connaissances de nombreuses disciplines, nous travaillerons avec ceux qui ont le pouvoir pour plaider en faveur de réformes qui supprimeront les obstacles aux systèmes alimentaires durables. "
Le lancement officiel a lieu aujourd'hui, mais nous avons déjà commencé à travailler sur cet important... travail. Nous conseillons l'Alliance mondiale pour la sécurité alimentaire, dirigée par le G7, sur sa stratégie globale. Nous aidons trois gouvernements africains à concevoir et à déployer des feuilles de route sur les systèmes alimentaires durables. Nous soutenons la Coalition Faim Zéro et contribuons à élargir la portée de l'engagement du secteur privé en faveur de la faim zéro. Nous conseillons le Sri Lanka sur les échanges de dettes pour l'agriculture, ainsi que sur les politiques qui rendront le système alimentaire plus intelligent sur le plan climatique, plus circulaire, plus inclusif en termes de genre et qui fourniront une nutrition abordable pour tous. Dans les semaines à venir, nous élargirons notre travail à la réglementation sur les comportements anticoncurrentiels, aux incitations pour l'agro-technologie verte, aux aliments dits "bleus" et aux capitaux mixtes pour l'alimentation et l'agriculture.
Les solutions pour une alimentation et une agriculture durables vont des technologies de précision et des aliments non agricoles aux cultures régénératives plus naturelles, en passant par des régimes alimentaires plus diversifiés avec des ingrédients locaux. Au niveau macro, il est important de modifier le pouvoir du marché par le biais de la politique de concurrence, d'examiner comment le commerce affecte le régime alimentaire et de prendre en compte l'impact climatique de la consommation de viande et de produits laitiers. Nous pensons que toutes ces idées sont pertinentes : il n'y a pas de solution miracle pour résoudre des problèmes complexes. Nous nous concentrerons sur la manière dont les petits producteurs peuvent bénéficier des solutions proposées et y accéder.
Le rapport Ceres2030 (sur lequel nous avons travaillé dans le cadre de nos précédentes fonctions) suggère que si le monde investissait 330 milliards de dollars d'ici à 2030, nous serions en bonne voie pour éradiquer la faim. Cette somme peut sembler importante, mais en fait, elle n'est probablement pas suffisante. Pour mettre les choses en perspective, le PIB mondial en 2022 devrait s'élever à 103,86 billions de dollars. Investir une fraction de ce montant pour garantir une liberté fondamentale n'est pas seulement juste et urgent, mais une obligation humaine qui n'a que trop tardé.
C'est notre engagement. C'est notre défi.
Nous avons créé le Centre Shamba pour mettre fin à la faim pour toujours. Nous nous efforcerons de bouleverser le statu quo des systèmes alimentaires pour faire place à l'expérimentation, à l'innovation et à des politiques audacieuses qui réduiront la concentration du marché, diversifieront la production, amélioreront la distribution, optimiseront les rendements, utiliseront moins de terres et causeront beaucoup moins de dommages à l'environnement. Notre vision est celle d'un avenir où notre alimentation est plus diversifiée, plus nutritive et plus abordable, où notre planète est restaurée et où les petites entreprises ont une chance de prospérer et de survivre.
Nous sommes profondément reconnaissants à nos premiers bailleurs de fonds. GIZ, BMZ, IFPRI, GAIN et la Fondation Bill et Melinda Gates pour leur confiance et pour avoir cru en nos idées.