Le rôle de la société civile dans le soutien aux efforts du secteur privé pour éradiquer la faim et la malnutrition

27 août 2025, Francine Picard, co-fondatrice et directrice des partenariats au Shamba Centre for Food & Climate et coordinatrice de la Coalition Faim Zéro

Comment construire des ponts efficaces entre la société civile et le secteur privé pour atteindre un objectif commun : mettre fin à la faim et à la malnutrition ? 

Pour commencer, nous devons reconnaître que chacun de ces deux groupes est très éclectique et composé de différents types d'organisations. Par exemple, la société civile comprend des ONG internationales, des organisations communautaires, des réseaux d'entraide, des syndicats d'agriculteurs et des groupes de citoyens ayant des mandats, des priorités et des actions différents. Le secteur privé, quant à lui, va des grandes sociétés multinationales aux petites et moyennes entreprises (PME). Chacun a des modèles d'entreprise, des ressources disponibles et des niveaux d'engagement différents. 

Dans ce paysage diversifié, comment la société civile peut-elle soutenir les engagements d'une entreprise pour mettre fin à la faim et à la malnutrition ? Cela peut se faire de trois manières.  

 

Tout d'abord, la société civile peut offrir un dialogue et une pression constructive. De nombreuses entreprises ont pris des engagements ambitieux en matière de durabilité, de nutrition et de systèmes alimentaires inclusifs. Toutefois, ces engagements restent souvent ambitieux : les objectifs peuvent ne pas être clairement définis, les progrès peuvent ne pas être mesurés et les compromis avec la rentabilité peuvent diluer l'ambition. Sans contrôle externe, même les objectifs bien intentionnés risquent de stagner ou d'être relégués au second plan. 

La société civile peut contribuer à faire en sorte que cela ne se produise pas. Elle peut le faire en créant des espaces de dialogue ouvert et en exerçant une pression constructive lorsque les progrès ne sont pas au rendez-vous. La société civile peut pousser les entreprises à expliquer comment leurs engagements se traduisent en actions mesurables, à préciser qui est responsable de la mise en œuvre et à divulguer les succès et les lacunes. Par exemple, la société civile peut tirer la sonnette d'alarme et mobiliser l'opinion publique pour exiger de la crédibilité. Parallèlement, lorsque les entreprises respectent leurs engagements, la société civile peut mettre en lumière les bonnes pratiques et les réalisations valables. 

De cette manière, la société civile agit non seulement comme un chien de garde, mais aussi comme un partenaire en matière de responsabilité, en offrant à la fois des défis et des encouragements. 

 

Deuxièmement, la société civile peut apporter ses connaissances. Trop souvent, les stratégies des entreprises en matière de durabilité ou de nutrition sont élaborées dans les sièges sociaux, loin des réalités des communautés sur le terrain. En conséquence, les engagements peuvent ne pas s'aligner sur les priorités nationales, ne pas tenir compte des besoins locaux ou être conçus de manière à rendre leur impact difficile à mesurer. 

La société civile peut combler cette lacune en fournissant des informations fondées sur des données probantes. Grâce à la recherche et à l'engagement direct avec les gouvernements et les communautés, la société civile peut identifier les interventions les plus susceptibles de réduire la faim et la malnutrition.  

Tel est l'objectif de l'engagement du secteur privé en faveur de la faim zéro, une initiative lancée lors du sommet des Nations unies sur les systèmes alimentaires en 2021 et codirigée par 13 organisations de la société civile et plusieurs agences multilatérales. L'engagement offre une feuille de route claire, fondée sur les preuves et la modélisation économique de l'étude Ceres2030. Il identifie 10 interventions prioritaires à fort impact pour contribuer à la sécurité alimentaire et nutritionnelle et les 90 pays cibles qui en ont le plus besoin. Dans ce cas, la société civile fournit la méthodologie, le cadre de suivi et les liens avec les gouvernements pour aider les entreprises à maximiser leur impact. 

 

Enfin, la société civile peut donner des moyens d'action. Alors que les grandes multinationales dominent souvent les débats publics, les petites et moyennes entreprises (PME) constituent l'épine dorsale des systèmes alimentaires locaux. Ces PME sont les plus proches des agriculteurs, des travailleurs et des consommateurs, mais elles manquent souvent de ressources, d'expertise technique ou d'accès aux outils qui pourraient les aider à intégrer les objectifs de nutrition et de durabilité dans leurs activités. 

Ici, la société civile peut jouer un rôle de facilitateur. Elle peut servir de facilitateur et de partenaire technique en fournissant des conseils adaptés au contexte local, des outils pratiques pour intégrer les objectifs nutritionnels dans les modèles d'entreprise et des partenariats avec les autorités locales, les donateurs ou d'autres membres de la société civile. 

Par exemple, au Bangladesh, le GAIN et le SUN Business Network ont aidé 12 PME locales à mettre en œuvre des programmes de nutrition sur le lieu de travail dans le cadre de l'initiative Workforce Nutrition. Ces entreprises ont été non seulement encouragées, mais aussi dotées des outils et des connaissances nécessaires pour améliorer la nutrition de leurs employés. Dans de tels cas, la société civile joue à la fois le rôle de coach et de connecteur, en veillant à ce que les petites entreprises - qui ont collectivement une portée énorme - soient renforcées dans leurs efforts pour mettre fin à la faim et à la malnutrition. 

L'éradication de la faim et de la malnutrition exige plus que des engagements ; elle doit être soutenue par des résultats tangibles. La société civile et le secteur privé possèdent chacun des atouts distincts. En travaillant ensemble - par le dialogue et une pression constructive, le partage des connaissances et l'autonomisation - ils peuvent accélérer les progrès vers la faim zéro. 

 

Francine Picard, cofondatrice et directrice des partenariats au Centre Shamba pour l'alimentation et le climat, est la coordinatrice de la Coalition Faim Zéro. Elle a participé à une table ronde organisée dans le cadre de l'UNFSS+4 sur le thème "Business/Towards greater corporate accountability" par le Pacte mondial des Nations unies, le Programme des Nations unies pour l'environnement et la World Benchmarking Alliance. Le texte ci-dessus est basé sur ses remarques.